REVIEW – A Feu Nourri (FR)
Au fil des livres et des années, l’inspecteur MacNeice — À feu nourri est déjà sa cinquième enquête — s’est taillé une place de choix sur la planète polar. Humaniste, « honnête homme » à la Guido Brunetti, cultivé et réfléchi, cet amateur de jazz et de musique classique est de surcroît un enquêteur hors pair à la tête d’une équipe d’exception. Mais les temps sont durs pour le haut gradé de la police de Dundurn ; à peine de retour d’une suspension après la difficile « affaire de l’artiste conceptuel » (voir La mort en perspective chez le même éditeur), voilà qu’il fait face à un autre tueur en série.
On sait que le cher « Mac » n’en est pas à une remise en question près, lui qui discute toujours avec sa femme disparue depuis des lunes, et cette enquête fera appel à toutes ses ressources. D’autant plus que sa nouvelle cible ne laisse pas beaucoup de traces puisque — le lecteur l’apprendra bien avant lui — le sinistre individu est un « professionnel du nettoyage » qui se débarrasse de ses victimes de façon, disons, non orthodoxe. Et puis voilà que le premier coup de sonde est donné lorsque MacNeice et son équipe trouvent des signes très clairs de plusieurs crimes graves commis dans un boisé de banlieue… mais aucune trace des victimes.
Il faut préciser que l’enquête s’est d’abord amorcée avec une scène épique, alors qu’un certain Jack, ensanglanté, réussit à échapper à ses poursuivants au terme d’une course impossible. L’épisode prend tout son sens quand deux événements apparemment distincts attirent l’attention des policiers : on retrouve les restes d’un homme avec deux balles dans le crâne sur une scène d’incendie… et, sur un bord d’autoroute cette fois, un chien blessé aspergé du sang de son maître porté disparu. On identifiera d’abord l’ADN du propriétaire du chien, un vieux professeur observateur d’oiseaux qui s’est visiblement retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Mais son corps est toujours introuvable et MacNeice aura besoin de beaucoup de déductions et d’un peu de chance pour relier ces deux affaires d’une infinie complexité. Et quand les policiers commenceront à soulever les coins de la couverture, ils découvriront une véritable « entreprise de liquidation » aux ramifications insoupçonnées.
Comme toujours chez Scott Thornley, l’enquête est à la fois touffue et serrée, truffée de rebondissements inattendus et de personnages énigmatiques esquissés souvent d’un trait d’une justesse absolue. Même les pires criminels ont des points faibles, et Thornley parvient à les identifier avec une acuité qui explique souvent la violence de leurs « égarements ». Mais il y a surtout que tout sonne vrai dans cette histoire captivante reposant sur des personnages que l’on connaît désormais dans toute leur complexité, MacNeice en premier, qui hésite à délaisser sa femme en allée même s’il se sent appelé par de nouveaux défis bien réels. Tout au long du récit, la traduction d’Éric Fontaine parvient à rendre les subtilités de ses hésitations tout comme celles de l’écriture généreuse de Thornley. Bravo !